Photo : Source les 400 coups Séraphin, le père Ovide, le notaire LePotiron et Donalda: quelques-uns des personnages de Claude-Henri Grignon tels qu’incarnés dans la bande dessinée d’Albert Chartier. |
À retenir
- Séraphin illustré
- Claude-Henri Grignon et Albert Chartier
- Les 400 Coups
- Montréal, 2010, 264 pages
- Jean-Sébastien Bérubé
- Glénat Québec
- Montréal, 2010, 48 pages
«Séraphin ne mourra jamais. Il ne peut pas mourir!» La prophétie, exposée par le romancier Claude-Henri Grignon, géniteur de cette icône de l'imaginaire collectif, avec sa Donalda, est finalement en train de se réaliser. Plus de 70 ans après la sortie du roman Un homme et son péché, les éditions des 400 Coups donnent une nouvelle fois vie à notre Harpagon national dans la forme certainement la plus étonnante, mais aussi la plus méconnue: la bande dessinée.
Il faut avoir été jeune et surtout abonné au Bulletin des agriculteurs entre 1951 et 1970 pour s'en souvenir. À cette époque, avec la complicité du dessinateur-illustrateur-pionnier de la bédé au Québec, Albert Chartier, Grignon y livre une fois par mois une série désormais mythique intitulée Séraphin: l'histoire illustrée d'«Un homme et son péché».
Le succès est immédiat, mais est vite tombé dans l'oubli pour cause de modernité, qui a recouvert durablement ces planches originales jusque-là introuvables. L'amnésie collective vient toutefois de prendre fin avec cette reliure des 228 pages qui présentent l'intégralité de la série historique, telle que publiée dans le mensuel pour «habitants». Le cadre social d'un village des Laurentides à la fin du XIXe siècle, avec son magasin général, son église, son curé Labelle, son notaire LePotiron, son père Ovide, son Indien Bill Wabo et surtout, surtout, son jeune Alexis Labranche s'y exposent en cases, avec un coup de crayon à la valeur historique et didactique évidente.
«Le Séraphin illustré que nous rééditons en 2010 avait fait la joie de millions de Canadiens français du Québec, mais également des provinces canadiennes et de la Nouvelle-Angleterre, écrit en guise de préface Pierre Grignon, petit neveu du prolifique scénariste et spécialiste incontesté de son oeuvre. Tous étaient des auditeurs assidus de l'émission radiophonique Un homme et son péché. De très beaux dessins d'Albert Chartier avaient illustré des textes de Claude-Henri Grignon bien avant 1951. Leur collaboration n'avait rien d'improvisé et Albert Chartier avait Séraphin dans sa mire depuis longtemps.»
La complicité est visible tout au long de ce voyage dans le temps qui confirme les grands pas effectués par le 9e art au Québec depuis ce temps que les plus de 49 ans... Une aventure humaine aussi, que décrypte avec une efficacité redoutable le spécialiste de la bulle Michel Viau, qui a participé à la réédition de l'oeuvre, dans un dossier complet, offert en introduction. La rencontre de deux géants y est expliquée par l'entremise de scénarios tapuscrits de Grignon, d'esquisses préparatoires des personnages par Chartier, des premiers jets inédits datant de 1947, mais également une page mettant en scène le deuil de l'avare de Sainte-Adèle, page qui n'avait à ce jour jamais été publiée.
Forcément, l'arpenteur de voies historiques, l'amoureux du passé, le traqueur d'identité, le nostalgique de la planche ne peuvent sortir que comblés d'une telle incursion dans ce classique de la littérature médiatisé sous toutes les formes possibles depuis sa sortie en livre: il y a eu la radio, la télévision, le cinéma, le théâtre... Quant aux autres, ils trouveront certainement une source atypique de divertissement, par les temps numériques et frénétiques qui courent, source à laquelle il n'est jamais mauvais de s'exposer.
Mission à Onondaga
Autres temps, autre personnage, même plaisir: avec Mission à Onondaga (Glénat Québec), le bédéiste rimouskois Jean-Sébastien Bérudé poursuit ici l'écriture de son ambitieuse saga historique qui ramène à la vie, par la bulle, le coureur des bois Pierre-Esprit Radisson, avec la même efficacité que dans le volume précédent.
Nous sommes en 1657 en Nouvelle-France, dans le bourg des Trois-Rivières. Après des années de froid et de tensions, la paix s'est installée entre les Iroquois, les Hurons et les Français. Radisson a la bougeotte et accepte forcément l'invitation de deux jésuites qui cherchent un guide pour se rendre au fort de Sainte-Marie-de-Gannentaha. Leur mission est claire: apporter le saint Évangile aux Iroquois, «là où le diable est roi», histoire de «rendre grand service à Dieu»!
On comprend le principe. On comprend aussi que «Tête-de-porc-épic», surnom donné à l'il-lustre aventurier par les Amérindiens du Nord, ne va pas avoir la tâche facile à la tête de ce convoi des temps passés formé de jésuites, de coureurs des bois, de familles huronnes et de quelques Français. Il va y avoir des massacres, des embûches, des trahisons, de grands espaces, du fanatisme à la pelle, de la survivance et surtout les ingrédients d'un scénario aussi haletant qu'historiquement bien documenté.
Avec cette série, le p'tit gars du Bas-du-Fleuve prend finalement part depuis plus d'un an à une étonnante croisade bédéesque: revisiter une énième fois le mythe de Radisson, dans cette autre sphère de la littérature, celle qui met les faits, les hommes et les aventures en boîte pour mieux lustrer le profil moderne de cet ancêtre protéiforme. On l'avait oublié (mais pas trop): le bonhomme était un commerçant, parfois rebelle, parfois soumis, aventurier invétéré capable de trouver ses marques autant dans les salons de Londres que sous un tipi, accessoirement entouré de jeunes filles.
Oui, Radisson a traversé un océan en navire, mais aussi des cultures, des moeurs et des coutumes, avec une facilité redoutable. Finalement, il aura aussi été capable de traverser les époques, comme Bérubé en témoigne tout au long des 48 pages de ce deuxième essai largement transformé.
Il faut avoir été jeune et surtout abonné au Bulletin des agriculteurs entre 1951 et 1970 pour s'en souvenir. À cette époque, avec la complicité du dessinateur-illustrateur-pionnier de la bédé au Québec, Albert Chartier, Grignon y livre une fois par mois une série désormais mythique intitulée Séraphin: l'histoire illustrée d'«Un homme et son péché».
Le succès est immédiat, mais est vite tombé dans l'oubli pour cause de modernité, qui a recouvert durablement ces planches originales jusque-là introuvables. L'amnésie collective vient toutefois de prendre fin avec cette reliure des 228 pages qui présentent l'intégralité de la série historique, telle que publiée dans le mensuel pour «habitants». Le cadre social d'un village des Laurentides à la fin du XIXe siècle, avec son magasin général, son église, son curé Labelle, son notaire LePotiron, son père Ovide, son Indien Bill Wabo et surtout, surtout, son jeune Alexis Labranche s'y exposent en cases, avec un coup de crayon à la valeur historique et didactique évidente.
«Le Séraphin illustré que nous rééditons en 2010 avait fait la joie de millions de Canadiens français du Québec, mais également des provinces canadiennes et de la Nouvelle-Angleterre, écrit en guise de préface Pierre Grignon, petit neveu du prolifique scénariste et spécialiste incontesté de son oeuvre. Tous étaient des auditeurs assidus de l'émission radiophonique Un homme et son péché. De très beaux dessins d'Albert Chartier avaient illustré des textes de Claude-Henri Grignon bien avant 1951. Leur collaboration n'avait rien d'improvisé et Albert Chartier avait Séraphin dans sa mire depuis longtemps.»
La complicité est visible tout au long de ce voyage dans le temps qui confirme les grands pas effectués par le 9e art au Québec depuis ce temps que les plus de 49 ans... Une aventure humaine aussi, que décrypte avec une efficacité redoutable le spécialiste de la bulle Michel Viau, qui a participé à la réédition de l'oeuvre, dans un dossier complet, offert en introduction. La rencontre de deux géants y est expliquée par l'entremise de scénarios tapuscrits de Grignon, d'esquisses préparatoires des personnages par Chartier, des premiers jets inédits datant de 1947, mais également une page mettant en scène le deuil de l'avare de Sainte-Adèle, page qui n'avait à ce jour jamais été publiée.
Forcément, l'arpenteur de voies historiques, l'amoureux du passé, le traqueur d'identité, le nostalgique de la planche ne peuvent sortir que comblés d'une telle incursion dans ce classique de la littérature médiatisé sous toutes les formes possibles depuis sa sortie en livre: il y a eu la radio, la télévision, le cinéma, le théâtre... Quant aux autres, ils trouveront certainement une source atypique de divertissement, par les temps numériques et frénétiques qui courent, source à laquelle il n'est jamais mauvais de s'exposer.
Mission à Onondaga
Autres temps, autre personnage, même plaisir: avec Mission à Onondaga (Glénat Québec), le bédéiste rimouskois Jean-Sébastien Bérudé poursuit ici l'écriture de son ambitieuse saga historique qui ramène à la vie, par la bulle, le coureur des bois Pierre-Esprit Radisson, avec la même efficacité que dans le volume précédent.
Nous sommes en 1657 en Nouvelle-France, dans le bourg des Trois-Rivières. Après des années de froid et de tensions, la paix s'est installée entre les Iroquois, les Hurons et les Français. Radisson a la bougeotte et accepte forcément l'invitation de deux jésuites qui cherchent un guide pour se rendre au fort de Sainte-Marie-de-Gannentaha. Leur mission est claire: apporter le saint Évangile aux Iroquois, «là où le diable est roi», histoire de «rendre grand service à Dieu»!
On comprend le principe. On comprend aussi que «Tête-de-porc-épic», surnom donné à l'il-lustre aventurier par les Amérindiens du Nord, ne va pas avoir la tâche facile à la tête de ce convoi des temps passés formé de jésuites, de coureurs des bois, de familles huronnes et de quelques Français. Il va y avoir des massacres, des embûches, des trahisons, de grands espaces, du fanatisme à la pelle, de la survivance et surtout les ingrédients d'un scénario aussi haletant qu'historiquement bien documenté.
Avec cette série, le p'tit gars du Bas-du-Fleuve prend finalement part depuis plus d'un an à une étonnante croisade bédéesque: revisiter une énième fois le mythe de Radisson, dans cette autre sphère de la littérature, celle qui met les faits, les hommes et les aventures en boîte pour mieux lustrer le profil moderne de cet ancêtre protéiforme. On l'avait oublié (mais pas trop): le bonhomme était un commerçant, parfois rebelle, parfois soumis, aventurier invétéré capable de trouver ses marques autant dans les salons de Londres que sous un tipi, accessoirement entouré de jeunes filles.
Oui, Radisson a traversé un océan en navire, mais aussi des cultures, des moeurs et des coutumes, avec une facilité redoutable. Finalement, il aura aussi été capable de traverser les époques, comme Bérubé en témoigne tout au long des 48 pages de ce deuxième essai largement transformé.
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