Gilles Laporte - Porte-parole de la Maison nationale des patriotes
Le Devoir, 23 novembre 2012
Actualités en société
Parti de Montréal le 22 novembre, le lieutenant-colonel Charles Stephen Gore apprend à Sorel que des villageois s’apprêtent à lui barrer la route à Saint-Denis. Il déploie alors ses troupes et donne l’ordre de marcher toute la nuit. L’armée arrive aux portes de Saint-Denis le matin suivant, trempée et épuisée par une marche forcée sous une pluie glaciale. De leur côté, les patriotes de Saint-Denis sont sur le qui-vive ; les quelque 200 résistants mal armés reçoivent constamment des renforts, si bien que le nombre de défenseurs s’accroît tout au long de la journée. À leur tête, le grand Wolfred Nelson se veut rassurant : « Soyez tranquilles, il y en aura de tués, et vous prendrez leurs fusils. »
Retranchés dans une imposante maison en maçonnerie ainsi qu’à la distillerie appartenant au docteur Nelson, les patriotes ouvrent un feu nourri d’une grande précision. Devant ce tir plongeant, l’infanterie de Gore est impuissante. Impuissante aussi est son artillerie contre les robustes murs de la Maison Saint-Germain, transformée en forteresse par les patriotes - sauf pourtant le premier boulet, qui pénètre par une fenêtre, tuant d’une traite trois défenseurs.
Vers 13 heures, l’arrivée de renforts des villages de Saint-Antoine, Contrecoeur, Saint-Ours et Verchères galvanise le moral des défenseurs qui passent… à l’offensive ! On lance alors la « compagnie des bâtons de clôture », qui, armée de piquets semblant être des mousquets, surgissant de la forêt, sus à l’ennemi. L’audacieuse tactique provoque la panique chez les Britanniques, qui croient se trouver en face d’une troupe bien armée. Après sept heures de combat, Gore décide de se replier, abandonnant armes et bagages aux patriotes restés maîtres des lieux.
La victoire de Saint-Denis est d’une ampleur historique. Tout au plus, les patriotes avaient cherché, par leur défense héroïque, à protéger leur vie et à couvrir le départ de Papineau. Ce succès inouï leur impose cependant d’aller jusqu’au bout de leur engagement, face à une armée anglaise désormais déterminée à écraser toute résistance.
Le « loup rouge » Wolfred Nelson
Anglophone originaire de Sorel, Wolfred Nelson écrit lui-même […] : « Dans ma jeunesse, j’étais un ardent tory et j’étais porté à détester tout ce qui était catholique et canadien-français, mais une connaissance plus intime de ces gens changea mes vues. » Nelson devient alors à Saint-Denis le « loup rouge » : un chef inspirant, enraciné dans la communauté francophone de Saint-Denis, où il est médecin et entrepreneur. À 29 ans, il épouse Charlotte-Josephte Noyelle de Fleurimont, qui est issue d’une famille seigneuriale et catholique. Nelson est alors mêlé à une foule d’activités dans sa communauté, où il jouit d’un grand respect. Nelson se lance en politique en 1827 pour dénoncer l’attitude du gouvernement anglais. La mort de son ami Louis Marcoux, impunément assassiné à Sorel en novembre 1834, sonne le signal de son engagement total derrière la cause patriote. Il préside ensuite l’assemblée patriote des Six Comtés, où il lance un appel aux armes. Après la défaite à Saint-Charles, Nelson compte se réfugier aux États-Unis, mais il est capturé près du mont Orford, emprisonné à Montréal puis exilé aux Bermudes avec sept de ses compagnons. Revenu en 1842, il mène encore une grande carrière politique, élu deux fois maire de Montréal, puis nommé… inspecteur aux prisons ! Mort en 1871, le corps de Wolfred Nelson est inhumé au cimetière anglican de Sorel. Sur sa tombe, on peut encore lire : « Ici repose la plus noble réalisation de Dieu, un honnête homme. »
Extrait de Légendes d’un peuple, tome I de Alexandre Belliard et Gilles Laporte (éditions Gavroche, Ulverton). Lancement public des tomes I et II, ce soir 19 h à la Maison Ludger-Duvernay.
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